Imaginez un peu le tableau.
Ma sœur Katia, c’est Miss Glamour en personne : toujours tirée à quatre épingles, taille de guêpe, talons, brushing parfait. Et moi… une femme normale. J’ai pris un peu ici, perdu un peu là, quelques rides en bonus. Rien d’extraordinaire, juste la vraie vie.
À chaque fois qu’on se retrouvait, c’était pour moi comme un petit supplice. Elle ne le faisait pas, je pense, par pure méchanceté, mais plutôt au nom de ses « bonnes intentions ». Elle s’approchait de moi, me détaillait comme un scanner, puis ça commençait :
— Svietik, cette robe, ce n’est pas un peu trop serré ? Ça fait… très “tante à la retraite”.
— Svietik, ce carré-là, honnêtement, il t’ajoute cinq ans.
— Oh les filles, regardez son rouge à lèvres ! On ne met plus cette couleur depuis au moins dix ans !
Le tout servi avec un petit sourire doux, presque compatissant. Comme si elle se préoccupait de moi. Sauf qu’à chaque remarque, j’avais juste envie de disparaître, et je me fuyais moi-même dans le miroir pendant des jours.
Forcément, ça pique. Je ne suis déjà pas une star de couverture, et en plus ma propre sœur passait son temps à souligner mes « défauts ».
Au début, je faisais comme si de rien n’était : je riais, je changeais de sujet, je laissais couler. Et puis, le jour où tout a basculé est arrivé : l’anniversaire de maman.
Je m’étais vraiment fait belle. Nouvelle robe, brushing, maquillage nickel… Pour une fois, je me sentais canon, sûre de moi.
On était tous au restaurant, ambiance festive, tout le monde habillé chic, maman radieuse. Et là, Katia débarque, me scrute de haut en bas et, bien fort pour que toute la table entende, lâche :
— Svietik, c’est quoi cette robe ? On dirait celles qu’on portait au village chez tante Choura. Franchement, tu aurais pu m’appeler, je t’aurais trouvé quelque chose de portable.
À cet instant précis, j’ai senti mon estomac se nouer. Devant tout le monde. Comme une gifle en public. L’envie de fêter quoi que ce soit m’a quittée net.
C’est là que je me suis dit : stop. Terminé de me taire. J’avais prévu mon coup.
Je n’ai pas crié, je n’ai pas fait de scène. À quoi bon ?
J’ai simplement pris une grande inspiration, affiché mon plus joli sourire et, d’un ton enjoué, je l’ai coupée :
— Katia ! Merci, vraiment ! Ta “bienveillance” est incroyable. Tu as un vrai talent pour repérer les défauts des autres !
Elle a cru que je la complimentais, la pauvre.
— Et comme tu es une telle experte — ai-je enchaîné en sortant une boîte que j’avais justement apportée — j’ai pensé à un cadeau spécialement pour toi.
Tous les invités se sont tournés vers nous. Curiosité maximale.
Je lui tends la jolie boîte, avec un ruban. Elle se précipite pour l’ouvrir, persuadée de découvrir un parfum, un rouge à lèvres de marque ou je ne sais quoi du genre.
À l’intérieur, il y avait un magnifique bon, imprimé sur un beau papier épais :
une séance individuelle chez un psychologue réputé, avec pour intitulé :
**« Comment renforcer sa confiance en soi sans dénigrer ses proches »**.
Et bien sûr, j’ai lu le titre à voix haute, d’une voix claire, pour que même les cuisiniers derrière la porte et le bus qui passait dans la rue puissent l’entendre.
— C’est pour toi, ma sœur ! — ai-je ajouté doucement. — J’ai pensé que ça pourrait vraiment t’aider à être bien dans ta peau… sans avoir besoin de me marcher dessus pour te sentir au-dessus. C’est parfaitement adapté, non ?
Sa tête à ce moment-là… D’abord choquée, puis le déclic, puis ses joues qui ont viré au rouge vif. Le silence est tombé. Et soudain, un oncle a éclaté de rire, puis d’autres ont suivi. Tout le monde a fait le lien avec ses petites piques habituelles. Elle voulait me ridiculiser, et c’est elle qui s’est retrouvée au centre de la blague.
La fin vous la devinez : Katia a marmonné deux mots incompréhensibles, a attrapé son sac et s’est éclipsée du restaurant.
Oui, bien sûr, on a fini par se reparler. Ça reste ma sœur.
Mais depuis ce jour-là, tenez-vous bien : plus une seule remarque sur mon poids, mes cheveux ou mon rouge à lèvres. Quand on se voit, on parle du temps qu’il fait. C’est presque reposant, en fait.
Voilà mon histoire. Merci d’avoir lu jusqu’au bout.
Et vous, est-ce que vous avez déjà eu une « Katia » dans votre vie ? Racontez-moi vos expériences, je serais ravie de les lire.