Will Sutton était tombé éperdument amoureux. Pourtant, l’obstacle à son bonheur ne venait pas de son cœur, mais du regard que les autres posaient sur lui.
Son père, Sam Sutton, avait fait fortune presque par hasard. Des années plus tôt, il avait inventé un joint révolutionnaire pour moteurs, et le brevet lui avait ouvert les portes d’une richesse colossale. La famille avait quitté sa modeste maison pour une villa élégante, avec voiture neuve et confort qu’ils n’auraient jamais osé imaginer.
Mais la fortune n’empêcha pas le malheur. Rain, l’épouse de Sam, tomba gravement malade. Ni les millions, ni les meilleurs médecins n’y purent rien : elle mourut, laissant Sam seul avec leur fils, encore enfant.
Être père célibataire ne fut pas simple. Sam voulut combler son fils de tout ce qu’il pouvait offrir — et il pouvait offrir beaucoup. Mais Will resta un garçon simple, généreux et sensible.
Au lycée pourtant, la richesse de son père devint un fardeau. Les camarades l’admiraient pour son argent, non pour son cœur. Les filles se pressaient autour de lui, attirées non pas par son sourire, mais par les voyages en jet privé ou les séjours à Aspen. Un jour, le jeune homme avoua en larmes à son père que la fille qu’il aimait ne voyait en lui qu’un ticket vers le luxe.
Alors Will décida d’élaborer un plan. À Yale, il se ferait passer pour un étudiant boursier. Plus de vêtements de marque, mais des fripes achetées d’occasion ; plus de signes de richesse, mais une vie humble. « Ainsi, disait-il, ceux qui m’aimeront, m’aimeront pour moi. » Sam, amusé et fier, l’encouragea.
Le plan marcha. Will se fit de vrais amis, et surtout, il rencontra Eddy — Edwina — une jeune femme brillante et sincère. Trois ans plus tard, il la demanda en mariage, et elle accepta.
Tout aurait été parfait, si les parents d’Eddy n’avaient pas décidé de juger leur futur gendre. Marta et Farlow, riches et imbus de leur statut, le reçurent avec froideur. Pour eux, leur fille méritait mieux qu’un étudiant sans argent. Le petit diamant de fiançailles que Will avait offert fut comparé à une bagatelle. Malgré leurs piques, Eddy tint tête à ses parents : « Je l’aime, et je l’épouserai. »
À Noël, Sam et Will firent le déplacement jusqu’à la demeure de la famille. Sam, volontairement vêtu de vêtements usés achetés chez Goodwill, passa pour un homme pauvre, presque misérable. Marta et Farlow s’en donnèrent à cœur joie, multipliant les humiliations déguisées.
Puis vint le moment des cadeaux. Avec un sourire triomphant, Farlow tendit à Will une clé de Porsche : un « cadeau de mariage anticipé ». La démonstration était claire : eux pouvaient offrir ce que Sam ne pourrait jamais égaler.
C’est alors que Sam sortit calmement une enveloppe de sa poche. « J’ai appris que vous alliez vivre à New York après vos études, dit-il à Eddy. Trouver un logement y est difficile… peut-être que ceci vous aidera. »
Eddy ouvrit l’enveloppe et resta bouche bée. Elle en sortit des papiers officiels. « C’est… le titre de propriété d’une maison à Tribeca ! » Will, les yeux brillants, serra son père dans ses bras.
Le silence tomba sur Marta et Farlow. « Mais… mais… tu es pauvre ! Tu prends le bus ! Tu t’habilles comme un vagabond ! » balbutia Farlow.
Sam leur sourit : « Je voulais seulement m’assurer qu’Eddy aimait mon fils pour lui-même, et non pour les 570 millions de dollars qu’il héritera un jour. »
À partir de ce jour, les objections disparurent. Marta et Farlow se montrèrent soudain d’une politesse exemplaire. Quelques mois plus tard, Will et Eddy se marièrent et s’installèrent à New York, dans leur maison de Tribeca. Trois ans plus tard, quand leur petite fille naquit, Sam acheta une maison voisine pour rester près de ceux qu’il aimait le plus.