Un père devenu veuf avait tout sacrifié : il avait vendu sa maison, ses terres et même les souvenirs de toute une vie, uniquement pour offrir à ses deux filles la chance d’étudier. Les années passèrent, vingt longues années de silence, de travail acharné et de solitude.

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Dans un petit village du sud du Mexique, là où la terre aride nourrit à peine ses habitants et où chaque journée s’écoule dans la fatigue des champs et des chantiers, vivait Don Rodrigo. Depuis la mort de sa femme, cet homme simple n’avait qu’une mission : offrir à ses jumelles, Lupita et Dalia, une vie qu’il n’avait jamais pu connaître.

Il n’avait appris à lire que tardivement, grâce à quelques leçons du soir, mais il savait une chose : l’éducation pouvait briser le cercle de la pauvreté. Alors, lorsque ses filles eurent dix ans, il prit une décision douloureuse mais nécessaire. Il vendit tout ce qu’il possédait — la maison au toit de chaume, le petit terrain, jusqu’à sa vieille bicyclette qui lui servait de gagne-pain — et emmena ses deux trésors à Mexico.

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Dès lors, Rodrigo travailla sans relâche. Le jour, il portait des sacs de ciment, déchargeait des camions, collectait du carton dans les ruelles. La nuit, il s’endormait souvent affamé, laissant à ses filles la moindre bouchée de riz ou de légumes bouillis. Quand le froid de l’hiver gelait ses os, il ne pensait qu’à une chose : maintenir la flamme de l’avenir de Lupita et Dalia.

« Tant qu’elles ont de quoi rêver, ma douleur n’a pas d’importance », se répétait-il.

Souvent, il rentrait les mains brûlées par la chaux ou le détergent avec lequel il lavait leurs uniformes scolaires. Quand elles sanglotaient en pensant à leur mère disparue, il les enveloppait dans ses bras, cachant ses propres larmes :
« Je ne pourrai jamais remplacer votre maman… mais je serai toujours là pour tout le reste. »

Les années s’accumulèrent, marquées par ses sacrifices. Un soir, il s’écroula sur un chantier, épuisé, mais se releva aussitôt, songeant aux yeux confiants de ses filles. Jamais il ne leur montra sa fatigue, ne leur confia ses peurs. Il leur offrait uniquement ses sourires et ses encouragements. Parfois, à la lueur d’une lampe faiblarde, il essayait de déchiffrer leurs manuels, apprenant les mots un à un pour pouvoir les aider à réviser.

Et toujours, cette phrase revenait, comme un refrain :
« Étudiez, mes filles… votre avenir, c’est mon rêve. »

Les décennies passèrent. Rodrigo, désormais voûté, les cheveux blanchis et les pas hésitants, continuait d’attendre.

Jusqu’au jour où Lupita et Dalia franchirent la porte. Elles n’étaient plus des fillettes aux nattes tressées, mais deux femmes accomplies, fières, habillées d’un uniforme qui fit battre son cœur plus fort que jamais : celui de pilote d’avion.

Elles s’agenouillèrent près de lui et lui prirent les mains :
« Papa, viens. Nous voulons t’emmener quelque part. »

D’abord incrédule, Rodrigo les suivit. Dans la voiture, puis jusqu’à l’aéroport. Et là, face à l’immense appareil qu’elles commandaient désormais, il se souvint des mots qu’il leur avait dits, des années plus tôt, en leur montrant du doigt, à travers un vieux grillage rouillé :
« Si un jour vous portez cet uniforme… ce sera ma plus grande victoire. »

Les larmes brouillèrent sa vue tandis qu’il avançait sur le tarmac, encadré par ses filles resplendissantes. Les passants, témoins de la scène, restèrent émus : un vieil homme en sandales usées, honoré par deux femmes qu’il avait élevées avec son amour et ses sacrifices.

Plus tard, Lupita et Dalia lui offrirent une maison digne de lui, et annoncèrent la création d’une bourse au nom de Rodrigo pour soutenir d’autres jeunes filles ambitieuses.

Son histoire fit le tour du pays. De simple ouvrier brisé par la misère, Rodrigo devint le symbole vivant d’un père qui, à force d’amour, avait élevé deux enfants capables de toucher le ciel. Et ce jour-là, lorsqu’il vit ses jumelles décoller aux commandes de leur avion, il comprit que son rêve l’avait porté, lui aussi, jusqu’aux étoiles.

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